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Dix bonnes raisons d'emmener les enfants de maternelle au cinéma

Depuis de nombreuses années, l’association OCCE de l’Ariège organise des séances cinéma pour les enfants de maternelle. Cette année, grâce à ses nombreuses propositions dans ce domaine, l’association a rejoint la dynamique nationale Maternelle au cinéma. Jennifer Enoff, animatrice pédagogique départementale porteuse de ce projet, partage ici les raisons qui motivent cet engagement.

Dans le cadre du projet cinéma pour les maternelles et en tant qu’animatrice pédagogique de l’association départementale OCCE de l’Ariège, je travaille en amont avec les cinémas du département, je prépare un accompagnement pour les enseignant·es et, avec quelques administratrices, j’accueille les enfants en salle, avant la projection. Voici mes dix bonnes raisons d’emmener les enfants de maternelle voir des films au cinéma.

A| L’enchantement

Il me semble que, lorsqu’on parle de la magie du cinéma, on parle sans doute du plaisir que nous avons de croire en l’illusion, de la jubilation liée à l’immersion dans des possibles, du divertissement attaché aux bonus d’imaginaires. Il est magique de ressentir des émotions connues en regardant à l’extérieur de nous, face à nous. La magie n’est pas que technique. Elle est le charme du plongeon dans ces espaces à la fois fictifs et intimes.

B| L’échelle

Avec ses plafonds infinis, son grand nombre de fauteuils de couleur identique et son écran capable de décupler des détails et de planer au-delà des monts les plus hauts, une salle de cinéma est un lieu qui mérite la visite de nos élèves. En entrant dans la salle, nous changeons l’ordre des grandeurs. Nous pénétrons dans un espace-temps fait de conventions et de symboliques. Nous partons loin en restant sur place. Nous survolons des ailleurs et entrons dans l’intime infinitésimal. Zoom, dézoom et téléportation. Une fois installé·es dans un fauteuil, nous nous déplaçons à la vitesse incroyable de 24 images par seconde. Nous accédons tranquillement à des champs de fleurs en plein hiver, au souvenir d’histoires que nous n’avons pas encore vécues.

C| La matière

Pour les classes (comme pour chacun·e de nous d’ailleurs), un film est un détour : bien souvent, des questions existentielles, humaines, pointent le bout du nez dans les œuvres que nous découvrons. Les émotions mais aussi les situations rappellent du connu. C’est justement ce qui peut nous faire réagir, nous inquiéter, nous surprendre, nous amuser…

Si nous ne raccrochons à rien ce que nous voyons et entendons, nous ne pouvons certainement pas l’interpréter. Mais en tissant ce qui se déroule à l’écran avec ce qui fait écho en nous, nous construisons le sens de ce à quoi nous assistons. À cinq ans, cette expérience participe à la construction du symbolique.

D| Les échanges

Aller au cinéma en classe entière, c’est y aller avec un collectif qui accompagne, qui partage une rencontre. C’est faire ensemble et c’est un vrai plus ! Ce qui se passe avant et après la séance de projection du film compte. Le projet s’inscrit dans une démarche pédagogique, c’est une « séance scolaire ». Avant d’aller voir le film, la classe parle de la séance à venir, s’interroge sur le film programmé, repère quelques éléments, émet des hypothèses, tisse des liens avec d’autres actualités partagées. Après la projection, les enfants échangent les souvenirs et les commentaires mais s’interrogent aussi collectivement sur l’objet film, sur sa fabrication et sur les effets produits pour aller au-delà de l’appréciation première. Les regards croisés sont particulièrement précieux car ils soutiennent la formation de notre propre regard et nous aident à enrichir nos perceptions et nos interprétations. Ainsi est assurée une double expérience de l’altérité. D’une part, les histoires dans lesquelles nous sommes immergé·es, en tant que spectateurs et spectatrices, convoquent des émotions par procuration, sans que nous vivions nous-mêmes les événements.

Nous accédons à des imaginaires de personnes que nous ne connaissons pourtant pas. D’autre part, le collectif de la classe permet un retour enrichissant sur ce qui a été vu et entendu. La parole échangée alors décentre, en multipliant les points de vue, et construit un discours coopératif sur le film et sur l’expérience vécue.

E| L’ouverture

Cet « élargissement du regard » est aussi (et en maternelle tout particulièrement) lié au fait de sortir de la classe, de cheminer hors des murs de l’école. La sortie au cinéma est annoncée à l’avance et les familles savent que les enfants se rendront au cinéma. C’est sortir pour découvrir, mais aussi simplement pour une respiration, pour aller voir ailleurs. Pour sortir de l’ordinaire.

F| L’éducation

Nous sommes environné·es de productions audiovisuelles et les enfants qui sont aujourd’hui en classe maternelle seront prochainement tous et toutes en situation de produire des contenus vidéo, photo ou audio, entre ami·es, en famille ou sur les réseaux, mais aussi dans le cadre scolaire ou professionnel. Voir des films choisis par des pédagogues et comprendre la fabrication de ces œuvres aide très vraisemblablement à appréhender les images de façon attentive et critique, et a minima à percevoir qu’il s’agit bien d’objets fabriqués. C’est aussi pour cela que saisir l’occasion d’une séance cinéma pour proposer aux enfants de devenir réalisateurs et réalisatrices d’images et de sons revêt une importance particulière. L’expérience pratique favorise l’appropriation et donc la compréhension. La magie restera intacte, j’en suis sûre. Mais il est important, dans les apprentissages, dans un cadre coopératif, de réduire la frontière entre la production et la réception.

G| Le truc possible

Il est des projets qui demandent des agréments, des dossiers, des moyens importants. Aller au cinéma avec sa classe est raisonnablement à portée des finances d’une coopérative. Même dans des départements qui ne font pas (pas encore !) une priorité des dynamiques d’éducation artistique et culturelle (ÉAC) et où relativement peu de propositions jeune public sont accessibles, on trouve des salles de cinéma, assez bien réparties localement, avec des exploitant·es qui se réjouissent de voir arriver de jeunes spectateurs et spectatrices. On reste en circuit court et les cinémas apprécient le volume de ces entrées. Il est alors imaginable de négocier une séance en matinée (pour que les moins de six ans ne siestent pas pendant la projection), de demander à ce que le volume sonore soit diminué par rapport aux séances habituelles et de solliciter la ou le projectionniste à venir en salle pour se présenter.

H| L’œuvre commune

À lire la longueur des génériques, nous comprenons bien que faire un film est un ambitieux projet d’équipe ! Même si on imagine que tout ne doit pas se passer dans la douceur, il faut beaucoup de coopération pour réaliser de telles œuvres. J’aime penser aux rôles et aux complémentarités, aux compromis et aux convergences, aux dynamiques collectives pour que de telles constructions aboutissent.

De plus, le cinéma est un art de diffusion populaire. Des films circulent aussi dans les maisons, dans les moyens de transports… C’est un art qui en compte plusieurs, qui plus est : art visuel, art du son, écriture, art dramatique, jeu d’acteur et d’actrice…

I| La disponibilité

Que ce soit dans les catalogues des films des dispositifs nationaux (Maternelle au cinéma, École au cinéma), dans les projets locaux ou dans l’actualité des salles, il est possible de trouver des propositions jeune public variées et adaptées, tant dans le fond que dans la forme, à des enfants de moins de six ans.

J| L’entrain

Je crois qu’au-delà de toutes ces (bonnes !) raisons, le véritable levier est sans doute l’enthousiasme des adultes : l’enseignant·e, les coordonnateurs et coordonnatrices de projet, les exploitant·es des salles de cinéma… Parce que l’enthousiasme, c’est viral, non ? Si vous avez envie d’emmener des enfants de maternelle au cinéma, faites-le.
Et si vous préférez vous rendre dans un jardin, à la piscine, au théâtre ou à la bibliothèque, voire visiter une ferme ou un musée : allez-y !

À vous de jouer :

1. classez ces raisons en partant de celle qui vous semble la plus pertinente ;

2. contactez un·e collègue pour comparer vos classements et prévoyez une sortie ciné ensemble.

Jennifer Enoff,
animatrice pédagogique de l’OCCE de l’Ariège